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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

même ce que je fais, au point de vue de l’argent, comme un devoir que je continue à remplir pour soulager des gens plus pauvres que moi, puisque, jusqu’à ce jour, je leur ai tout donné, sans penser à ma propre famille ; et, pour cela, je suis blâmée par les esprits positifs. Je vais donc réparer mes fautes, qui n’étaient pourtant pas grandes, à mon sens, puisque j’avais réussi à donner cent cinquante mille francs à ma fille. Et il me semblait qu’avec cela on pouvait vivre.

Tout cela n’est rien, mon ami ; c’est pour vous dire seulement que je ne bougerai pas de ma campagne que je n’aie accompli ma tâche et satisfait à toutes les exigences justes ou injustes. Je me porte bien maintenant, et, si je suis triste, du moins, je suis calme. J’ai appris à être gaie à la surface ; ce qui, en France, à l’heure qu’il est, est comme une question de savoir-vivre. Quelle étrange époque que celle où tout est sur le point de se dissoudre de fond en comble, et où c’est être blessant et cruel de s’en apercevoir !

Parlez-moi de temps en temps, mon ami. Votre voix me soutiendra, et la vibration en est restée dans mon cœur bien pure et bien consolante. Vous, vous n’avez pas besoin qu’on vous recommande le courage et la patience, vous en avez pour nous tous. Vous avez besoin d’être aimé, parce que c’est un besoin des âmes complètes, et comme un instinct de justice religieuse qui leur fait demander aux autres l’échange de ce qu’elles donnent. Comptez que, pour ma part, je suis