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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

détail, et j’espère arriver à faire cette somme de dix mille francs. Et puis il faut payer aussi les intérêts. Mes rentrées ne sont pas toutes certaines, il s’en faut ! Je ne sais donc pas si je pourrai disposer de quatre cents francs à la fois. Je vous en garantis cent pour un pressant besoin, et le reste peu à peu. Est-ce que votre imprimeur ne peut vous faire cette avance ? Hetzel va revenir d’Allemagne. S’il est à même de payer ce qu’il me redoit, cela ira tout seul. Mais le sera-t-il ? J’arrive de Paris, où lesdites affaires m’ont forcée d’aller chercher un recouvrement qui m’a manqué. Je ne suis revenue que depuis deux jours. C’est ce qui vous explique le retard de ma réponse.

J’ai deux pièces de théâtre en portefeuille. Le succès du Champi m’a mise en passe de gagner de l’argent. Le Théâtre-Français et tous les autres théâtres m’ont fait des offres, avec promesses de primes payées d’avance. Tout cela est bien joli. Mais j’ai tout refusé pour attendre que Bocage, qui est destitué arbitrairement, persécuté injustement, et que la réaction voudrait ruiner, ait acquis la direction d’un autre théâtre (non subventionné) ou qu’il remonte sur les planches comme artiste, et qu’il puisse, avec mes pièces, dicter pour lui des conditions honorables et avantageuses. Cela me laisse sans profit pour le moment. Mais peut-on, dans cette société-ci, respecter la délicatesse des sentiments et faire des affaires ! Non. Les honnêtes gens sont condamnés à être gueux. Bien entendu que je cache ma gêne à Bocage ; car il refuserait de la prolonger.