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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

seillerai jamais ; car Ledru-Rollin ne s’unira jamais sincèrement à lui, et travaillera désormais plus qu’autrefois à le paralyser ou à l’anéantir.

Louis Blanc ne peut plus être solidaire des frasques du parti de Ledru-Rollin. Il ne le doit pas. Qu’il reste à l’écart, s’il le faut ; son jour viendra plus tard, qu’il se réserve ! Est-ce qu’il n’a pas la vérité pour lui ? est-ce qu’il ne faudra pas, après bien des luttes inutiles et déplorables, en venir à accorder à chacun suivant ses besoins ? Si nous n’en venons pas là, à quoi bon nous agiter, et pour quoi, pour qui travaillons-nous ? Vous voudriez qu’il mît sa formule dans sa poche pour un temps, et qu’il employât son talent, son mérite, sa valeur individuelle, son courage, à faire de la politique de transition. Moi aussi, je le lui conseillerais, s’il pouvait se joindre à des hommes comme vous ; s’il pouvait avoir la certitude de ne pas fermer l’avenir à son idée, en l’accommodant aux nécessités du présent ; si chacun de ses pas prudents et patients vers cet avenir n’était pas rétrograde ; si enfin il pouvait et devait se fier.

Mais il ne le peut pas. Ledru-Rollin le trahira, non pas sciemment et délibérément, non ! Ledru dit comme nous quand on l’interroge. Il comprend le progrès illimité de l’avenir, il est trop intelligent pour le contester. Sous l’influence d’hommes comme vous et comme Louis Blanc, il y marcherait. Mais la destinée, c’est-à-dire son organisation, l’entraînera où il doit aller, à la trahison de la cause de l’avenir.