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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

serais d’une rigidité farouche. Je voudrais sauver la vie, l’honneur et la liberté de ces hommes-là : mais je ne voudrais pas qu’une mission leur fût confiée, et rien ne me ferait transiger là-dessus, ni la considération de leur talent, ni celle de leur popularité (la popularité est si aveugle et si folle !), ni celle d’une utilité momentanée. Je ne crois pas à l’utilité momentanée. On paye cela trop cher le lendemain, pour qu’il y ait une utilité réelle.

Voilà donc, pour la France, le chef de l’association politique formée sous le titre du Proscrit[1]. Il est possible que la nuance que cet homme représente soit la seule possible en fait de gouvernement républicain immédiat : on doit respect à cette nuance pendant un certain temps.

Je ne la combattrais donc pas, si j’étais homme et écrivain politique, tant qu’elle ne ferait pas de fautes graves, et surtout tant que nous serions en présence d’ennemis formidables contre lesquels cette nuance serait le seul point de ralliement. Mais je ne pourrais plus mettre mon cœur, mon âme et mon talent à son service. Je m’abstiendrais jusqu’au jour où ce parti deviendrait le persécuteur avoué et agissant d’un parti plus avancé qui représenterait davantage la raison et la vérité par le peuple. Ce jour, hélas ! ne se ferait pas longtemps attendre.

Votre âme ardente me répond, je l’entends d’avance,

  1. Revue que Mazzini et Ledru-Rollin venaient de fonder à Londres.