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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

voir vivre, et de penser sans écrire. J’en sortirai, car j’ai la volonté de voir encore quelques années. Je suis sûre qu’elles me feront du bien et que je pourrai dire comme ce vieux d’Israël : Et à présent, je puis mourir.

Cet autre empêchement dont je vous parlais et qui ne tenait pas à moi est à peu près hors de cause maintenant. Attendez-moi encore quelque temps et je vous aiderai. J’ai demandé des détails sur Mazzini : je veux faire sa biographie ; mais ne l’annoncez pas ; car, si ces renseignements n’arrivaient pas, je serais forcée de manquer de parole, et puis le travail annoncé me déplaît toujours. Il faut ensuite trop bien faire et cela me décourage. Au reste, vous allez bien sans moi. Votre journal n’est pas mal fait, comme vous le disiez. Je trouve, au contraire, que vous êtes en grande progression de talent et de clarté, et j’ai remarqué des articles de vous qui étaient non seulement bons, mais beaux. Maintenant, je suis fâchée de cette espèce de polémique avec le Peuple. Vous êtes trop batailleur, vous avez le diable au corps. Vous êtes trop rancunier aussi. Pourquoi ne voulez-vous pas que le National en revienne ? Vous savez bien que, personnellement, j’ai, même depuis le temps de Carrel, à me plaindre du National plus que qui que ce soit. C’est une race d’esprits qui ne m’est nullement sympathique ; c’est peut-être ce qu’il y a de plus déplorable, de plus irritant, dans les temps où nous vivons, que de voir ceux qui ouvraient jadis la marche vouloir nous la fermer, à