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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND


CCXCVI

À MAURICE SAND, À PARIS


Nohant, 13 mai 1849.


Mon enfant,

Je crois que tu devrais revenir, sauf à retourner ensuite s’il ne se passe rien de tout ce que le monde appréhende. Je ne m’inquiète pas follement ; mais je vois bien que la situation est plus tendue qu’elle ne l’a jamais été, et, non seulement par les journaux, mais encore par toutes les lettres que je reçois, je vois que le pouvoir veut absolument en venir aux mains. Il fera de telles choses que le peuple, qui est un être collectif et un composé de mille idées et de mille passions diverses, ne pourra probablement continuer ce miracle de rester calme et uni comme un seul homme en présence des provocations insensées d’une faction qui joue son va-tout. La lutte sera terrible ; il y a tant de partis ennemis les uns des autres qu’on ne peut en prévoir l’issue, et qu’il y aura peut-être de plus horribles méprises, s’il est possible, de plus sanglants malentendus qu’en juin. Si la République rouge donne, elle donnera jusqu’à la mort ; car c’est la République européenne qui est en jeu avec elle contre l’absolutisme européen. Voilà du moins ce que je crois, et