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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

masses ignorantes suscitées par la perfidie de ceux que vous savez.

Tout ce qui a un peu de lumière dans l’esprit et de droiture dans l’âme se tourne vers vous comme vers le nom entièrement pur, et le symbole de l’esprit chevaleresque de la France républicaine. Vous ne vous préservez de rien, vous, quand tous les autres se mettent à l’abri. Aussi vous traitent-ils de fou, ceux qui ne peuvent vous imiter. Mais, selon moi, vous êtes le seul sage et le seul logique, comme vous êtes le meilleur et le plus loyal. Quelqu’un vous comparait hier devant moi à Jeanne d’Arc, et, moi, je disais qu’après la pureté de Robespierre l’incorruptible (mais le terrible !), il fallait dans nos fastes révolutionnaires quelque chose de plus pur encore, Barbès, tout aussi ferme et aussi incorruptible, mais irréprochable dans ses sentiments de franchise et d’humanité.

Je vous dis tout cela, et pourtant, je n’accepte pas le 15 mai. Ce que j’en ai vu par mes yeux n’était qu’une sorte d’orgie improvisée, et je savais que vous ne vouliez point de cela. Le peuple a, en principe, selon moi, le droit de briser sa propre représentation, mais seulement quand cette expression perfide de sa volonté brise le principe par lequel elle est devenue souveraineté nationale. Si cette Assemblée eût repoussé la République au 4 mai, même si elle se fût constituée, en principe, république aristocratique, si elle eût voulu détruire le suffrage universel et proclamer la monarchie, croyez-moi, le 15 mai aurait