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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

commun et par la discussion pacifique. L’erreur de Proudhon, c’est de croire que tout est dans un moyen. Hélas ! ce moyen, fût-il parfait, tombe dans le vide, s’il est offert à une majorité récalcitrante. Mais il est bon peut-être que Proudhon ait cette croyance étroite qui concentre sa force intellectuelle.

Quelques hommes ont cette étroitesse de vues et deviennent grands par cela même. Témoin Voltaire et tant d’autres, qui, à force de rejeter ce qu’ils croyaient inutile, se sont rendus utiles et puissants dans leur spécialité. Laissons grandir les hommes pratiques parmi nous et gardons-nous de croire qu’il n’en faille point. Mais gardons-nous également de nous croire tous des hommes pratiques ; car, bien qu’il y en ait en France maintenant plus qu’à aucune autre époque, c’est encore et ce sera peut-être toujours une précieuse minorité par rapport à la population.

Voilà pourquoi je n’ai pas vu avec regret que M. Borie s’arrêtât précisément devant le moyen ; s’il a en lui un moyen, c’est après un autre genre de travail, c’est dans un ouvrage spécial qu’il doit l’exposer, s’il le juge à propos. Mais nous n’en sommes pas encore, en France, à ce point de pouvoir présenter simultanément la théorie et l’application. Pierre Leroux y a échoué, malgré son génie.

Remarquez bien. Il y a plus d’un moyen de définir la propriété individuelle et la propriété commune. Proudhon vous dira que tout cela est concilié par son système. Un autre vous proposera une banque hypo-