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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND


CCLXXXIX

À M. ARMAND BARBÈS, AU DONJON DE VINCENNES


Nohant, 1er  novembre 1848.


Cher ami,

Je suis toute triste et consternée de n’avoir pas de vos nouvelles depuis si longtemps. Je sais que vous vous portez bien (si on ne me trompe pas pour me rassurer !). Mais je suis inquiète quand même, parce que j’espérais que vous pourriez m’écrire, et apparemment vous ne l’avez pas pu. N’avez-vous pas reçu une lettre de moi, une seule ; car on ne m’a pas fourni, depuis, d’autre occasion et d’autre moyen de vous écrire. Je n’ose vous rien dire ; d’ailleurs, que vous dirais-je que vous ne sachiez aussi bien que moi ? Les événements sont tristes et sombres partout ; mais l’avenir est toujours clair et beau pour ceux qui ont la foi. Depuis mai, je me suis mise en prison moi-même dans ma retraite, qui n’est point dure et cruelle comme la vôtre, mais où j’ai peut-être eu plus de tristesse et d’abattement que vous, âme généreuse et forte ! j’y ai même été moins en sûreté ; car on m’a fait beaucoup de menaces. Vous savez que la peur n’est point mon mal, et nous sommes de ceux pour qui la vie n’est pas un bien, mais un rude devoir à porter jusqu’au bout.