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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

monde. Je crains que la lecture de mes romans ne lui ait été mauvaise et n’ait contribué, en partie, à l’exalter dans un sens qui n’est pas du tout le mien. L’homme et la femme sont tout pour elle, et la question de sexe, dans une acception où la pensée de l’homme ni celle de la femme ne devrait s’arrêter exclusivement, efface chez elle la notion de l’être humain, qui est toujours le même être et qui ne devrait se perfectionner ni comme homme ni comme femme, mais comme âme et comme enfant de Dieu. Il résulte de cette préoccupation, chez elle, une sorte d’état hystérique dont elle ne se rend pas compte, mais qui l’expose à être la dupe du premier drôle venu. Je crois sa conduite chaste, mais son esprit ne l’est pas et c’est peut-être pire. J’aimerais mieux qu’elle eût des amants et n’en parlât jamais que de n’en point avoir et d’en parler sans cesse. Enfin, après avoir causé avec elle, j’étais comme quelqu’un qui a mangé un mauvais aliment et qui souffre de l’estomac. J’ai été sur le point de le lui dire, et c’était peut-être mon devoir. Mais je m’apercevais que cela l’irriterait et je n’étais pas sûre de lui faire utilement de la peine.

Elle a pour vous, du reste, une sorte d’adoration, un culte, dont vous devez lui savoir gré, car il est sincère et profond. Mais encore, en me parlant de vous, elle m’a impatientée sans le savoir. Elle voulait avoir mon opinion sur le sentiment que vous avez pour les femmes, et, pour me débarrasser d’une si sotte question, je lui ai dit un peu brusquement que vous ne