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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

la résistance de la gouvernante, et l’a emmenée on ne sait où.

Juge de la colère et de l’inquiétude !

Je cours à Paris. Je braque le télégraphe. J’invoque la police. Je fais rendre une ordonnance. Je cours chez les ministres, je fais le diable, je me mets en règle, et je pars pour Nérac, où j’arrive un beau matin, après trois jours et trois nuits de chaise de poste, accompagnée de Mallefille, d’un domestique et d’un clerc de Genestal. Je tombe chez le sous-préfet, le baron Haussmann, beau-frère d’Artaud et, de plus, un charmant garçon. Le procureur du roi me donne, en faisant un peu la grimace, un réquisitoire. L’officier de gendarmerie, plus humain, consent à m’accompagner avec son maréchal-de-logis et deux adorables simples gendarmes. Je demande un huissier pour faire sommation d’ouvrir les portes en cas de résistance.

Au moment de partir, une difficulté se présente. Il faudra le maire de Pompiey pour cette ouverture des portes. Or ledit maire ne se rendra pas à nos réclamations, vu qu’il est ami de Dudevant. Je cajole le sous-préfet, et le sous-préfet, attendri, monte dans ma voiture avec moi, le lieutenant de gendarmerie, l’huissier, etc., le reste à cheval. Juge quelle escorte ! quelle sortie de Nérac ! quel étonnement ! La ville et les faubourgs sont sur pied. Deux malheureuses calèches de poste, qui se trouvaient par là et s’en allaient tranquillement aux eaux des Pyrénées, ont l’air d’être mes voitures de suite. Quant à moi, je suis une princesse