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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

de travail ne lui conviendrait pas, et j’ai la tête un peu dure, à présent que j’ai des cheveux blancs, pour acquérir la grâce, la concision et tout ce qu’il faudrait pour plaire à son public.

Croyez-moi, restons chacun chez nous. C’est l’ambition qui perd les hommes. Ne forçons point notre talent. Il ne faut faire en public que ce qu’on fait fort bien, etc., etc. Voyez Sancho Pança et les trente mille proverbes.

Tout mon désir est donc pour le moment fiché en une seule chose : vendre mon travail passé, afin de n’avoir plus de travail futur à affronter. Vous n’imaginez pas, mon ami, quel dégoût m’inspire à présent la littérature (la mienne s’entend). J’aime la campagne de passion ; j’ai, comme vous, tous les goûts du ménage, de l’intérieur, des chiens, des chats, des enfants par-dessus tout. Je ne suis plus jeune. J’ai besoin de dormir la nuit et de flâner tout le jour. Aidez-moi à me tirer des pattes de Buloz, et je vous bénirai tous les jours de ma vie. Je vous ferai des manuscrits pour allumer votre pipe, et je vous élèverai des levriers et des chats angoras. Si vous voulez me donner votre petite fille en sevrage, je vous la rendrai belle, bien portante et méchante comme le diable ; car je la gâterai insupportablement.

Vous devez bien comprendre tout cela, vous qui êtes si simple, si bon, si peu grand homme dans vos manières, si différent des beaux esprits de la critique. Vous avez subi votre succès plus que vous ne l’avez