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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND


CCLXII

À M. CHARLES PONCY, À TOULON


Nohant, 9 août 1847.


Maintenant, mes enfants, je ne vous marquerai plus d’époque ni de jour pour venir. Cela nous a toujours porté malheur, et, quand vous pourrez venir, vous suivrez l’inspiration du moment, c’est-à-dire vous profiterez du concours de circonstances qui vous paraîtra le plus favorable : température, liberté d’autres soins, santé, repos d’esprit, envie même de voyager ; car il faut tout cela pour qu’un voyage ne soit pas quelque chose de solennel et même d’un peu effrayant. À vous dire vrai, je suis tellement consternée du guignon qui s’est attaché à vous, dans toutes ces circonstances, que je n’oserai plus jamais vous dire : « Venez, je vous attends. » Je n’étais pas superstitieuse pourtant, et je le suis devenue à force de malheur depuis deux ans. Tous les chagrins m’ont accablée par un enchaînement fatal ; mes plus pures intentions ont eu des résultats funestes pour moi et pour ceux que j’aime ; mes meilleures actions ont été blâmées par les hommes et châtiées par le ciel comme des crimes. Et croyez-vous que je sois au bout ? Non ! tout ce que je vous ai raconté jusqu’ici n’est rien, et,