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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

faible de corps et de caractère. La sévérité le brise et le consterne.

Les médecins recommandent de lui épargner la contrariété, cela devient bien embarrassant. Comment élever un enfant sans le contrarier ? Ils disent que c’est une fièvre de croissance, mais qu’une maladie plus grave peut se développer, si l’on irrite cette fièvre. En effet, je lui trouve, la nuit, le cœur plus agité encore que lorsque ces messieurs l’examinent. Je tremble qu’il ne soit attaqué de la maladie dont j’ai souffert toute ma vie et dont je souffre toujours. Si j’étais au moins assurée qu’il eût une aussi bonne constitution que moi ! Mais il n’en est pas ainsi. Le chagrin lui est contraire.

Je vous assure qu’on a fait une grande faute, je dirai même un grand crime, en informant cet enfant de ce qu’il devait ignorer, de ce qu’il pouvait du moins ignorer en partie et ne comprendre que vaguement. Le mal est fait, ce n’est ni vous ni moi qui l’avons voulu. Quant à moi, j’ai la conscience d’avoir toujours travaillé à lui faire partager également son affection entre vous et moi.

Aujourd’hui, il ne s’agit plus de nos dissensions personnelles ; il s’agit d’un intérêt qui passe avant tout : la santé de notre enfant. Ne le jetons pas, au nom du ciel ! dans une rivalité d’affection qui excite sa sensibilité déjà trop vive. De même que je l’encourage dans sa tendresse pour vous, ne le contrariez pas dans sa tendresse pour moi. Venez le voir ici tant