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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

norez a de flatteur dans l’expression, je vous répondrai franchement, ainsi qu’on peut répondre à un homme d’esprit.

Je ne refuserais pas de m’associer à une œuvre de charité, me fût-elle indiquée par le ministère ecclésiastique. Je puis avoir beaucoup d’estime et d’affection personnelle pour des membres du clergé, et je ne fais point de guerre systématique au corps dont vous faites partie. Mais tout ce qui tendra à la réédification du culte catholique trouvera en moi un adversaire, fort paisible à la vérité (à cause du peu de vigueur de mon caractère et du peu de poids de mon opinion), mais inébranlable dans sa conduite personnelle. Depuis que l’esprit de liberté a été étouffé dans l’Église, depuis qu’il n’y a plus, dans la doctrine catholique, ni discussions, ni conciles, ni progrès, ni lumières, je regarde la doctrine catholique comme une lettre morte, qui s’est placée comme un frein politique au-dessous des trônes et au-dessus des peuples. C’est à mes yeux un voile mensonger sur la parole du Christ, une fausse interprétation des sublimes Évangiles, et un obstacle insurmontable à la sainte égalité que Dieu promet, que Dieu accordera aux hommes sur la terre comme au ciel.

Je n’en dirai pas davantage ; je n’ai pas l’orgueil de vouloir engager une controverse avec vous, et, par cela même, je crains peu d’embarrasser et de troubler votre foi. Je vous dois compte du motif de mon refus, et je désire que vous ne l’imputiez à aucun autre sentiment que ma conviction.