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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

Si c’est là votre pensée et votre conduite, vous n’êtes pas des hommes, vous tournez sur vous-mêmes comme des girouettes sans savoir quel vent vous pousse. Duvernet m’a écrit au moment de ton retour de Paris, que vous étiez enchantés de moi, que vous me trouviez admirable d’avoir renoncé à rédiger votre journal, comme si ce n’était pas un sacrifice d’avoir offert de le rédiger, et comme si c’en était un d’y renoncer !

Ne dirait-on pas que l’Éclaireur de l’Indre est le consulat de la république ; que j’ai voulu faire un coup d’État, un 18 brumaire, en offrant mon temps et ma peine ; et qu’ensuite j’ai abdiqué, comme Sylla, pour le salut de la patrie ! Tout cela est comique, mais d’un comique triste et qui me peine ; car je ne croyais pas qu’il y eût tant d’amour-propre en jeu dans cette affaire. Ainsi, il y a eu lutte entre nous, et c’est moi qui triomphe ? s’il en est ainsi, j’en suis, pardieu ! bien fâchée, et je demande à abdiquer bien vite. Je croyais, en me proposant, sauver le journal qui ne marchait pas. Je croyais, en me retirant, sauver encore le journal qui ne pouvait marcher avec moi.

Un jour, vous me dites que vous ne pouvez rien sans moi. Je m’offre pieds et poings liés. Un autre jour, vous me dites que vous avez une autre route que la mienne, que je ne saurais pas ce qui convient, que je m’y prendrais mal, que j’effaroucherais l’abonné, que je vous couvrirais de ridicule, que je vous effacerais. Maintenant, quand j’ai accepté cette exclusion de bon