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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

de la pensée nationale, à élever un monument où chaque partie aurait sa valeur originale et distincte. L’héroïque Breton, le Normand généreux, le Provençal enthousiaste, et le Lyonnais éminemment synthétique, n’ont-ils pas chacun leur manière de sentir, leur forme d’expression, leur lumière individuelle pour ainsi dire ?

On croit peut-être que nous n’avons pas notre couleur, nous autres ? On se tromperait fort. Le Berrichon, simple dans ses manières, calme dans son langage, mais d’humeur indépendante et narquoise, apporterait, dans la circulation des idées, cet admirable bon sens qui caractérise le cœur de la France. Remarquez qu’un journal de localité en serait infailliblement l’expression vive et franche, quels qu’en fussent les rédacteurs ; il y a dans le contact des habitants quelque chose qui se reflète dans le plus simple exposé des faits, des besoins et des vœux d’une province. L’existence d’un journal donne du mouvement à l’esprit, on se rapproche, on parle, on pense tout haut ; et naturellement chaque numéro résume les impressions générales. C’est ainsi que tout le monde produit le journal ; oui, le véritable rédacteur, c’est tout le monde. Il doit donc y avoir une sorte d’amour-propre public, bon à encourager, dans la création d’un journal de localité, manifestation intéressante et significative de l’esprit du pays.

Comptez sur mon zèle à vous seconder et ne craignez pas de mettre mon nom en avant, si vous croyez