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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

s’il vous plaît, monseigneur !), ne me permet pas d’emprunter, et je ne peux pas m’adresser à des amis. La plupart des miens sont pauvres ; le peu de riches véritablement humains que j’ai rencontrés sont tellement épuisés d’aumônes et de charités, que c’est être indiscret que de recourir à eux encore une fois. Et puis je dois vous avouer que je suis liée en général avec des personnes de l’opposition la plus prononcée, et que, malheureusement, il y a de l’intolérance au fond de toutes les opinions de ce temps-ci. Tel qui se dépouillera pour un détenu politique de sa couleur ne s’intéressera point à un curé et ne comprendra pas que je m’y intéresse.

J’ai fait appel, sans les beaucoup connaître, à quelques personnes riches et pieuses, leur faisant entendre qu’il s’agissait d’un prêtre, et d’un prêtre aussi orthodoxe qu’elles pouvaient le désirer. On m’a répondu qu’on n’avait pas d’argent ou qu’on avait ses pauvres.

J’ai conseillé à mon desservant de s’adresser au prélat de son diocèse ; mais d’autres le lui ont déconseillé, parce que monseigneur, dit-on, blâmerait l’action du prêtre charitable comme une légèreté, comme une imprudence, et que cet aveu pourrait lui faire du tort dans son esprit. Est-ce possible ? la prudence humaine peut-elle parler, là où la pitié évangélique commande ? Je ne comprends rien à cela, mais enfin je ne puis insister sur un avis où l’on croit voir de graves inconvénients.