Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 2.djvu/229

Cette page a été validée par deux contributeurs.
226
CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

de mer sont une comparaison extrêmement hardie, et cependant juste, heureuse et belle. Mais, quand, par un néologisme audacieux, vous faites le verbe zigzaguer, vous ne réussissez qu’à peindre aux yeux vivement une chose matérielle, et, au lieu de l’embellir par l’expression (ce qui est le devoir inexorable de la poésie), vous la rabaissez à un terme vulgaire et incorrect, vous manquez au goût. Vous peignez un spectacle grandiose : ne cessez pas d’être grandiose ; vous voulez dire naïvement une chose naïve : soyez naïf. Zigzaguer n’est ni l’un ni l’autre. Si je vous analysais vos vers un par un, je vous ennuierais, je vous effrayerais peut-être, et mon avis n’est pas qu’on reprenne un travail mot à mot pour le refaire péniblement. Il vaut mieux passer à un autre et s’observer en le faisant. Vous auriez même près de vous un conseil assidu et sévère, qu’il vous fatiguerait, et glacerait peut-être votre inspiration. Je ne veux faire ce triste métier avec vous que quand vous serez résolu à imprimer. Alors vous m’enverrez le tout, et, si vous le voulez, je ferai le travail d’élaguer et d’indiquer à un nouvel examen de vous ce qui ne me paraîtra pas bien. Mais, dans l’état de fatigue et d’agitation où vous êtes, le plus sage serait de travailler moins souvent et d’apprendre davantage. Je vous blâme beaucoup d’avoir une correspondance qui vous prend du temps. Je n’en ai pas, moi. Une fois par mois, j’écris une douzaine de lettres, tant pour mes amis que pour mes affaires, et je reçois au moins cent lettres par mois.