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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND
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la reconnaissance de vos frères, une haute récompense de vos maux personnels ; c’est le peuple, le peuple ignorant, le peuple abandonné, plein de fougueuses passions qu’on excite dans un mauvais sens, ou qu’on refoule, sans respect de cette force que Dieu ne lui a pourtant pas donnée pour rien. C’est le peuple livré à tous les maux du corps et de l’âme, sans prêtres d’une vraie religion ; sans compassion et sans respect de la part de ces classes éclairées (jusqu’à ce jour), qui mériteraient de retomber dans l’abrutissement, si Dieu n’était pas tout pitié, tout patience et tout pardon.

Me voilà un peu loin de la concision que je me promettais en commençant ma lettre, et je crains que vous n’ayez autant de peine à déchiffrer mon écriture que moi à la voir. N’importe, je ne veux pas laisser mon idée trop incomplète. Je vous disais donc que vous aviez résolu la difficulté toutes les fois que vous avez parlé du travail. Maintenant il faut marier partout la grande peinture extérieure à l’idée mère de votre poésie. Il faut faire des marines : elles sont trop belles pour que je veuille vous en empêcher ; mais il faut, sans sacrifier la peinture, féconder par la comparaison ces belles pièces de poésie si fortes et si colorées. Vous avez rencontré parfois l’idée ; mais je ne trouve pas que vous en ayez tiré tout le parti suffisant. Ainsi la plupart de vos marines sont trop de l’art pour l’art, comme disent nos artistes sans cœur. Je voudrais que cette impitoyable mer, que vous connais-