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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

quine, quoi que vous en disiez. C’est vous qui êtes taquin : si vous voulez avoir bonne mémoire, vous vous rappellerez que c’est toujours vous qui m’avez attaquée, tantôt sur ma dureté de cœur à propos de bottes, tantôt sur mon égoïsme à propos de rien. Je ne me suis jamais défendue.

Il m’est absolument indifférent d’être jugée froide. À l’âge que j’ai, ce n’est pas d’un mauvais goût, et mon amour-propre, sur ces choses-là, est peut-être plus accommodant que le vôtre ; car vous m’avez dit souvent des choses assez brutales à brûle-pourpoint et je ne m’en suis jamais fâchée. Je vous voyais les nerfs irrités et j’aimais mieux vous juger malade que mauvais chien.

Peut-être aviez-vous des intentions hostiles en jetant toutes ces pierres dans mon jardin. Je ne le croyais pas et je vous répondais sans humeur ; je le pense un peu à présent, en voyant que vous avez été blessé de réponses fort peu féroces selon moi, et qui convenaient plus à vos déclamations contre la Providence et la race humaine que de longues, âpres et inutiles discussions : vous vouliez peut-être les soulever entre nous ; car vous attaquiez sans cesse les points les plus sensibles et les plus sacrés de nos croyances, sans charité aucune, et, peut-être pourrais-je dire, sans le moindre égard pour moi.

Je faillis une ou deux fois m’y laisser prendre. Mais je me suis arrêtée, en voyant que vous n’étiez pas l’homme de vos théories et que votre cœur donnait un