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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

que le bon gros Thomas a dû employer dans sa lettre, pour vous faire rentrer dans son filet ; demi-farceur, demi-jobard, flouant un peu les autres (en politique s’entend, et non en fait d’argent), afin de se consoler d’être floué en plein lui-même !

D’où je conclus à te demander, mon enfant, toi dont je connais le cœur à fond, toi que je sais aussi romanesque que moi devant ces idées d’égalité que l’on a cru trop longtemps bonnes pour don Quichotte, et qui commencent à le devenir pour tous, je te demande, dis-je, qui t’a fait partisan de l’égalité, sincèrement et profondément ?

Sont-ce les doctrines du National ? Il n’en a pas, il n’en a jamais eu, même du temps de Carrel, qui était leur maître à tous. Il ne laisse aller sa pensée de temps en temps que pour dire que l’égalité, comme toi et moi l’entendons, est impossible, sinon abominable. Dupoty, cette malheureuse victime d’un odieux coup d’État de la pairie, était aristocrate et rougissait des partisans qu’on lui a supposés. Il n’avait même pas le mérite d’être coupable de sympathie pour ces pauvres fous du communisme que l’on peut blâmer tout bas, et que le National a insultés et flétris jusque sous le couteau de la pairie ! lâche en ceci ! car, si le communisme avait fait une révolution, c’est-à-dire lorsqu’il en fera une, et ce sera malheureusement trop vite, le National sera à ses pieds : comme Carrel lui-même, qui, le 26 juillet, traitait la révolution de « sale émeute », et qui en parlait très différemment le 1er août. Doutez-vous de cela ?