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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

ras par notre prochain numéro[1] que j’ai barbouillé bien du papier. À peine ai-je donné une dizaine de jours aux barbouillages, qu’il en faut passer quatre ou cinq à la correction des épreuves. Et puis la correspondance pour ladite Revue et mes affaires personnelles, qui sont toujours arriérées et qui prennent encore une huitaine. Tu vois ce qu’il me reste de jours, ce mois-ci, pour songer à ce que je vais dire dans le numéro suivant. Heureusement que je n’ai plus à chercher mes idées : elles sont éclaircies dans mon cerveau ; je n’ai plus à combattre mes doutes ; ils se sont dissipés comme de vains nuages devant la lumière de la conviction ; je n’ai plus à interroger mes sentiments : ils parlent chaudement au fond de mes entrailles et imposent silence à toute hésitation, à tout amour-propre littéraire, à toute crainte du ridicule.

Voilà à quoi m’a servi, à moi, l’étude de la philosophie, et d’une certaine philosophie, la seule claire pour moi, parce qu’elle est la seule qui soit aussi complète que l’est l’âme humaine aux temps où nous sommes arrivés. Je ne dis pas que ce soit le dernier mot de l’humanité ; mais, quant à présent, c’en est l’expression la plus avancée.

Tu demandes pourtant à quoi sert la philosophie et tu traites de subtilités inutiles et dangereuses la connaissance de la vérité cherchée, depuis que l’humanité existe, par tous les hommes, et arrachée brin à brin,

  1. De la Revue indépendante.