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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND


CCVII

À MADAME MARLIANI, À PARIS


Nohant, 13 août 1841.


Il y a bien longtemps que je ne vous ai écrit, chère belle et bonne. J’ai eu toutes mes nuits absorbées par le travail et la fatigue. J’ai passé tous les jours avec Pauline[1] à me promener, à jouer au billard, et tout cela me fait tellement sortir de mon caractère indolent et de mes habitudes paresseuses, que, la nuit, au lieu de travailler vite, je m’endors bêtement à chaque ligne. C’est une lutte très pénible, je vous assure, et pourtant, comme je suis déjà fort en retard avec Buloz, qui me tourmente, il n’y a pas moyen de céder au sommeil. Je me flatte toujours de m’éveiller à force de café et de cigarettes, afin d’arriver, vers trois heures du matin, à la fin de ma tâche et de pouvoir alors écrire le peu de lettres qui me tiennent au cœur. Mais je crois que le café est devenu pour moi de l’opium et que le tabac m’abrutit ; car, avant d’avoir fait trois pages de mon roman, je bâille à me démettre la mâchoire, et, à la fin de la tâche, je tombe sur mon oreiller, comme si Enrico venait de me faire un discours sur les fourtifications.

  1. Pauline Viardot.