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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

vements de colère paternelle que vous éprouvez quand vous croyez la justice et la vérité méconnues, et que, grâce à Dieu et heureusement pour notre siècle, vous ne savez pas réprimer. Soyez certain que, si telle eût été votre inspiration, quoique je ne me sentisse pas frappée avec clairvoyance et justice, à certains égards j’aurais respecté votre pensée et votre intention, comme je respecte tout ce qui vient de vous.

Je dis à certains égards ; car, au manque de logique et de raisonnement que vous nous reprochez, je puis vous jurer, par l’affection que je vous porte, qu’en ce qui me concerne personnellement, je reconnais de bon cœur et très gaiement que vous avez grandement raison. Le reproche m’eût blessée dans le cas où j’aurais eu la prétention d’être ce que je ne suis pas, et j’avoue n’avoir jamais compris qu’on pût mettre son bonheur ou sa dignité à sortir de son rôle.

Cela posé (et vous connaissez à ce sujet ma sincérité), j’oserai vous dire que je ne suis pas convaincue de l’infériorité des femmes, même sous ce rapport-là. Dirai-je en avoir rencontré qui eussent été capables de vous écouter, de vous suivre et de vous comprendre des heures entières ? Je n’ai pas le droit de l’affirmer : ce serait m’attribuer la compétence d’un pareil jugement ; mais, dans mon instinct et dans ma conscience, je le crois. Il est vrai que ces femmes-là ont vécu à l’ombre comme des fleurs et n’ont point porté de pétitions à la Chambre.

Ne me trouvez-vous pas, monsieur, bien imbue,