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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND


CXCI

AU MÊME


Marseille, 23 mars 1839.


Cher ami,

Que de malheurs ! quelle fatalité sur toi ! sur moi, par conséquent ! Mon cœur saigne de toutes tes douleurs ; mais celle-là m’est personnelle aussi. Je l’aimais profondément, ton digne père, et je savais que j’avais en lui un ami au-dessus de tous les préjugés et de toutes les calomnies. Un grand cœur plein d’affections généreuses et nourrissant la foi de l’idéal.

Celui-là est de notre religion, n’en doute pas ; nous le retrouverons dans une vie meilleure. Mais que celle-ci est longue et amère ! quelle qu’elle soit, nous devons la supporter ; nous avons des devoirs à remplir. Peut-être la fatalité est-elle fatiguée de nous frapper. Lors même qu’elle ne le serait pas, il nous faut boire le calice jusqu’à la lie. Quoi qu’il arrive de ce misérable procès dont la sentence pèse sur ta tête, tu n’auras pas de lâche faiblesse, n’est-ce pas, Pylade, mon cher, mon meilleur ami ?

Il faut que tu m’en renouvelles la promesse, que tu m’en fasses le serment. Je sais qu’il y a de quoi dépasser les forces humaines ; mais, jusqu’ici, tu as