Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 2.djvu/137

Cette page a été validée par deux contributeurs.
134
CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

canon, et qui rançonnent leurs maisons de campagne. Le commerce paye des contributions à don Carlos, aussi bien qu’à la reine. Personne n’a d’opinion, on ne se doute pas de ce que peut être une conviction politique. On est dévot, c’est-à-dire fanatique et bigot, comme au temps de l’inquisition. Il n’y a ni amitié, ni foi, ni honneur, ni dévouement, ni sociabilité. Oh ! les misérables ! que je les hais et que je les méprise !

Enfin, nous sommes à Marseille. Chopin a très bien supporté la traversée. Il est ici très faible, mais allant infiniment mieux sous tous les rapports, et dans les mains du docteur Cauvière, un excellent homme et un excellent médecin, qui le soigne paternellement et qui répond de sa guérison. Nous respirons enfin, mais après combien de peines et d’angoisses !

Je ne t’ai pas écrit tout cela avant la fin. Je ne voulais pas t’attrister, j’attendais des jours meilleurs. Les voici enfin arrivés. Dieu te donne une vie toute de calme et d’espoir ! Cher ami, je ne voudrais pas apprendre que tu as souffert autant que moi durant cette absence.

Adieu ; je te presse sur mon cœur. Mes amitiés à ceux des tiens qui m’aiment, à ton brave homme de père.

Écris-moi ici à l’adresse du docteur Cauvière, rue de Rome, 71.

Chopin me charge de te bien serrer la main de sa part. Maurice et Solange t’embrassent. Ils vont à merveille. Maurice est tout à fait guéri.