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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

bien de temps encore je resterai ici. Concevez-vous rien à ce qui s’y passe ? Maroto ne vous paraît-il pas vendu à la reine ? Ce pays est destiné à se dévorer lui-même. Je ne serais pas étonnée que don Carlos, traqué en Espagne, vînt se réfugier à Mayorque. Il y serait reçu comme le Messie. Il y relèverait les couvents, il y ramènerait les moines, et tout le monde serait content. Ces imbéciles-là ne font que pleurer leurs frocards et regretter la très sainte inquisition. Les paysans ne savent pas ce que c’est qu’Isabelle ou Christine. Ils disent le roi, ce qui veut dire don Carlos, et ils se croient gouvernés par lui.

Écrivez-moi, quand même nos lettres mettraient beaucoup de temps en route, quand même quelques-unes se perdraient de part et d’autre. J’ai besoin que vous me disiez toujours que vous m’aimez, quoique je le sache bien.

Dites à Leroux que j’élève Maurice dans son Évangile. Il faudra qu’il le perfectionne lui-même, quand le disciple sera sorti de page. En attendant, c’est un grand bonheur pour moi, je vous jure, que de pouvoir lui formuler mes sentiments et mes idées. C’est à Leroux que je dois cette formule, outre que je lui dois aussi quelques sentiments et beaucoup d’idées de plus. Quand vous verrez l’abbé de Lamennais, serrez-lui bien la main pour moi, et rappelez-moi à tous nos amis, selon la mesure que nous avons faite à chacun d’eux et qui est la même pour vous et moi.