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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

les prompts rapports, est si arriérée autour de Palma et dans toute l’Espagne, qu’il me faut deux mois pour avoir des réponses à mes lettres.

Ce n’est pas le seul inconvénient du pays. Il en a d’innombrables, et pourtant c’est le plus beau des pays. Le climat est délicieux. À l’heure où je t’écris, Maurice jardine en manches de chemise, et Solange, assise par terre sous un oranger couvert de fruits, étudie sa leçon d’un air grave. Nous avons des roses en buissons et nous entrons dans le printemps. Notre hiver a duré six semaines, non froid, mais pluvieux à nous épouvanter. C’est un déluge ! La pluie déracine les montagnes ; toutes les eaux de la montagne se lancent dans la plaine ; les chemins deviennent des torrents. Nous nous y sommes trouvés pris, Maurice et moi. Nous avions été à Palma par un temps superbe. Quand nous sommes revenus le soir, plus de champs, plus de chemins, plus que des arbres pour indiquer à peu près où il fallait aller. J’ai été véritablement fort effrayée, d’autant plus que le cheval nous a refusé service, et qu’il nous a fallu passer la montagne à pied, la nuit, avec des torrents à travers les jambes. Maurice est brave comme un César. Au milieu du chemin, faisant contre fortune bon cœur, nous nous sommes mis à dire des bêtises. Nous faisions semblant de pleurer, et nous disions : « J’veux m’en aller cheux nous, dans noute pays de la Châtre, l’oùs’qu’y a pas de tout ça ! »

Nous sommes installés depuis un mois seulement et nous avons eu toutes les peines du monde. Le naturel