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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

vir. Le domestique est une brute : dévot, paresseux et gourmand ; un véritable fils de moine (je crois qu’ils le sont tous). Il en faudrait dix pour faire l’ouvrage que vous fait votre brave Marie. Heureusement, la femme de chambre que j’ai amenée de Paris est très dévouée et se résigne à faire de gros ouvrages ; mais elle n’est pas forte, et il faut que je l’aide. En outre, tout coûte très cher, et la nourriture est difficile quand l’estomac ne supporte ni l’huile rance, ni la graisse de porc. Je commence à m’y faire ; mais Chopin est malade toutes les fois que nous ne lui préparons pas nous-mêmes ses aliments. Enfin, notre voyage ici est, sous beaucoup de rapports, un fiasco épouvantable.

Mais nous y sommes. Nous ne pourrions en sortir sans nous exposer à la mauvaise saison et sans faire coup sur coup de nouvelles dépenses. Et puis j’ai mis beaucoup de courage et de persévérance à me caser ici. Si la Providence ne me maltraite pas trop, il est à croire que le plus difficile est fait et que nous allons recueillir le fruit de nos peines. Le printemps sera délicieux, Maurice recouvrera une belle santé ; il se flatte d’avoir un jour des mollets ; moi, je travaillerai et j’instruirai mes enfants, dont heureusement les leçons, jusqu’ici, n’ont pas trop souffert. Ils sont très studieux avec moi. Solange est presque toujours charmante depuis qu’elle a eu le mal de mer ; Maurice prétend qu’elle a rendu tout son venin.

Nous sommes si différents de la plupart des gens et des choses qui nous entourent, que nous nous faisons