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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

précisément au beau milieu de l’aube naissante. Vous connaissez tout cela ; mais peut-être n’y avez-vous pas fait depuis longtemps une attention particulière. Je voudrais mettre un plaisir de plus dans votre heureuse vie. Vous voyez que je ne suis point avare de mes découvertes. C’est que Dieu est le maître de mes trésors.

Écrivez-moi toujours à la Châtre, poste restante. On me fera passer vos lettres à Bourges. Hélas ! je quitte les nuits étoilées, et les prés de l’Arcadie. Plaignez-moi, et aimez-moi. Je vous embrasse de cœur tous deux et je salue respectueusement l’illustre docteur Ratissimo.

Vous m’avez fait de vous un portrait dont je n’avais pas besoin. En ce qu’il a de trop modeste, je sais mieux que vous à quoi m’en tenir. En ce qu’il a de vrai, ne sais-je pas votre vie, sans que personne me l’ait racontée ? La fin n’explique-t-elle pas les antécédents ? Oui, vous êtes une grande âme, un noble caractère et un bon cœur ; c’est plus que tout le reste, c’est rare au dernier point, bien que tout le monde y prétende.

Plus j’avance en âge, plus je me prosterne devant la bonté, parce que je vois que c’est le bienfait dont Dieu nous est le plus avare. Là où il n’y a pas d’intelligence, ce qu’on appelle bonté est tout bonnement ineptie. Là où il n’y a pas de force, cette prétendue bonté est apathie. Là où il y a force et lumière, la bonté est presque introuvable ; parce que l’expérience et l’observation