Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 2.djvu/107

Cette page a été validée par deux contributeurs.
104
CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND


CLXXXII

AU MAJOR ADOLPHE PICTET, À GENÈVE


Paris, octobre 1838.


Cher major,

Votre conte[1] est un petit chef-d’œuvre. Je ne sais pas si c’est parce que nulle part je ne me suis sentie aussi finement tancée et aussi affectueusement comprise ; mais nulle part il ne me semble avoir été jugée avec tant de sagesse et louée avec tant de charme.

Hoffmann n’aurait pas désavoué la partie poétique de ce conte, et, quant à la partie philosophique, il ne se fût jamais élevé si haut avec tant de clarté et de véritable éloquence. Je vous jure que jamais rien ne m’a fait plaisir dans ma vie en fait de louanges. Cela tenait non point à ma modestie (car je viens de découvrir grâce à vous, que j’en manque beaucoup), mais aux éloges reçus, toujours ou grossièrement boursouflés ou abominablement stupides. Pour la première fois je respire cet encens auquel les dieux mêmes, dit-on, ne sont pas insensibles.

Je crois à ce qu’il y a de bon en moi, parce que vous me le montrez, pour ainsi dire, paternellement, et, quant à ce qu’il y a d’absurde, j’en suis amusée et

  1. Une Course à Chamounix, par le major Pictet.