Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 1.djvu/40

Cette page a été validée par deux contributeurs.
37
CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

quoiqu’il y ait souvent l’inconvénient de l’humeur revêche et rabâcheuse.

Vous rappelez-vous Marie Guillard, cette vieille et laide bonne femme qui, après avoir été longtemps ici, s’était mariée avec un vieillard borgne ? Au bout d’une vingtaine d’années de mariage, elle a enterré son mari et placé sa fille, qui est assez jolie, et, étant redevenue célibataire, elle est rentrée à notre service. Elle a repris le soin de ses vaches et de ses poules (qui ne sont pas tout à fait les mêmes qu’elle soignait il y a vingt ans).

C’est la plus drôle de vieille qui soit au monde. Active, laborieuse, propre et fidèle, mais grognon au delà de ce qu’on peut imaginer. Elle grogne le jour, et je crois aussi la nuit en dormant. Elle grogne en faisant du beurre, elle grogne en faisant manger ses poules, elle grogne en mangeant même. Elle grogne les autres, et, quand elle est seule, elle se grogne. Je ne la rencontre jamais sans lui demander comment va la grognerie, et elle ne grogne que de plus belle. Elle vous impatienterait bien, et moi tout autant, si son service la tenait plus près de moi. Aussi je ne vous la propose pas ; rien que sa figure vous rendrait malade. Au reste, elle n’est pas plus laide qu’elle ne l’était dans sa jeunesse : c’est une de ces figures qui ne changent pas, malheureusement pour elles.

À propos de figures, je vous envoie un profil que j’ai fait d’idée en barbouillant. Il est bon de vous dire que c’est Caroline que j’ai prétendu faire. Il n’y a que