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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND
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Créateur, qui ne veut pas de rébellion chez ses créatures. Prenez bien garde à cela.

J’ai causé avec les saint-simoniens, avec les carlistes, avec Lamennais, avec Coëssin, avec le juste milieu, et, hier, avec Robespierre en personne. J’ai trouvé chez tous ces hommes de grandes doses de vertu, de probité, d’intelligence et de raison, et celui qui m’a le plus agitée, c’est celui dont je hais le plus les idées et dont j’admire le plus l’individualité. C’est le dernier, ce qui prouve qu’il est facile d’égarer les hommes et d’abuser des dons de Dieu ; mais je fais serment devant lui que, si l’extrême gauche vient à régner, ma tête y passera comme bien d’autres, car je dirai mon mot.

Ce que je vois au milieu de ces divergences de sectes rénovatrices, c’est un gaspillage de sentiments généreux et de pensées élevées ; c’est une tendance à l’amélioration sociale ; une impossibilité de produire pour le moment, faute de tête à ce grand corps aux cent bras, qui se déchire lui-même, ne sachant à quoi s’attaquer. Ce conflit ne fait encore que bruit et poussière. Nous ne sommes pas dans l’ère où il construira des sociétés, et les peuplera d’hommes perfectionnés.

Croyez le contraire si vous voulez. L’espérance est chose bonne et fortifiante. Mais, plus vous croirez à un prochain succès, plus vous devez le hâter par des efforts inouïs. Travaillez à élargir vos cerveaux. Ce qui vous perd tous, c’est leur étroitesse. Vous n’y pouvez loger qu’un plan de campagne. Quand le terrain change