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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

tu verras que les héros sont traités de scélérats. Ton bon sens et la justice de ton cœur redresseront ces jugements hypocrites. Tu liras les faits et tu seras le juge des hommes qui les auront accomplis. Souviens-toi que, depuis le commencement du monde, ceux qui ont travaillé pour la liberté et l’honneur de leurs frères sont des grands hommes. Ceux qui ont travaillé pour leur propre renommée et pour leur ambition personnelle sont des hommes qui ont fait un emploi coupable de leurs grandes qualités. Ceux qui n’ont songé qu’à leurs plaisirs sont des brutes.

Mais tu comprends que notre correspondance doit rester secrète et que tu ne dois ni la montrer ni seulement en parler. Je désire aussi que tu n’en dises pas un mot à ton père : tu sais que ses opinions diffèrent des miennes. Tu dois écouter avec respect tout ce qu’il te dira ; mais ta conscience est libre et tu choisiras, entre ses idées et les miennes, celles qui te paraîtront meilleures. Je ne te demanderai jamais ce qu’il te dit ; tu ne dois pas non plus lui faire part de ce que je t’écris.

Aie donc soin de laisser mes lettres dans ta baraque au collège ; je te les ferai remettre par Emmanuel, et tu lui remettras ta réponse trois ou quatre jours après.

Comprends-tu bien ? De cette manière, personne ne verra ce que nous nous écrivons, et nous n’aurons pas de contradictions. Tu auras le temps de lire mes lettres et d’y répondre sans te presser.