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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

(seul reste de cent mille francs qu’il possédait), lui constituera cinq mille francs par an. En outre, je payerai et je dirigerai l’éducation de mes deux enfants. Vous voyez que sa position est très honorable.

Ma fille sera exclusivement sous ma gouverne ; mon fils restera au collège et passera un mois de vacances avec son père, l’autre mois avec moi. Tous deux ignoreront la séparation prononcée ; ce sont des choses faciles à leur cacher, inutiles et fâcheuses même à leur dire, et, si mon mari respecte les convenances et les devoirs, ni l’un ni l’autre des enfants n’apprendront à aimer l’un de nous aux dépens de l’autre.

Moyennant ces arrangements, Dudevant laissera agir les lois sans batailler, et, si la loi me donne gain de cause, comme cela n’est pas douteux, je rentrerai dans ma liberté et dans ma dignité. Mes biens seront certes mieux gérés qu’ils ne l’étaient par lui, et ma vie ne sera plus exposée à des violences qui n’avaient plus de frein.

Rien ne m’empêchera de faire ce que je dois et ce que je veux faire. Je suis la fille de mon père, et je me moque des préjugés, quand mon cœur me commande la justice et le courage. Si mon père eût écouté les sots et les fous de ce monde, je ne serais pas l’héritière de son nom : c’est un grand exemple d’indépendance et d’amour paternel qu’il m’a laissé, je le suivrai, dût l’univers s’en scandaliser. Je me