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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

de la passion une vertu. Si nous voulons relever la société, relevons aussi nos passions. Mais, en nous y abandonnant, nous ne ferons qu’une chose fort ordinaire et digne de fournir un sujet de vaudeville ou de nouvelle à MM. Scribe, Balzac, George Sand et consorts. Ce ne sont pas ces gens-là qu’il faut prendre pour arbitres en fait de sagesse et de raison. Ils font des contes pour amuser. Ils raconteraient la vie telle qu’elle est, s’ils avaient un cours de morale sérieuse à faire.


CXXVIII

À MAURICE DUDEVANT, AU COLLÈGE HENRI IV


Paris, 18 juin 1835.


Travaille, sois fort, sois fier, sois indépendant, méprise les petites vexations attribuées à ton âge. Réserve ta force de résistance pour des actes et contre des faits qui en vaudront la peine. Ces temps viendront. Si je n’y suis plus, pense à moi qui ai souffert, et travaillé gaiement. Nous nous ressemblons d’âme et de visage. Je sais dès aujourd’hui quelle sera ta vie intellectuelle. Je crains pour toi bien des douleurs profondes, j’espère pour toi des joies bien pures. Garde en toi le trésor de la bonté. Sache donner sans hésitation, perdre sans regret, acquérir sans lâcheté.