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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

pas su vous exprimer, mais que je croyais vous avoir fait comprendre en revenant de Valençay. Jamais je n’avais eu le cœur si doucement ému, si attendri, si consolé au milieu des sujets de douleur les plus profonds et les plus graves.

Si quelquefois tu as mal compris mon rire et mon visage, c’est apparemment la faute de ce combat intérieur entre mes peines secrètes et le bonheur qui me vient de vous autres. Après tout, vous me restez, et, quand j’aurais tout perdu d’ailleurs, vous seriez encore pour moi un bienfait bien grand, bien réel. Ne craignez plus que je le méconnaisse ; j’en ai trop senti le prix durant ces derniers jours. C’est en vous, mes amis, que je chercherai mon refuge, et, si le dégoût de la vie me travaille encore, j’irai encore vous demander de m’y rattacher.

Mais la première condition de mon bonheur serait de vous trouver tous heureux. Vous l’êtes, n’est-ce pas ? ne me dis pas le contraire ; cela m’effrayerait trop. Tu es de nature pensive et mélancolique, je le sais ; mais cela ne rend ni altier ni ingrat. Des joies bien vraies se sont mises dans ta vie, à la place des ennuis et du vide dont tu me parlais autrefois ; tu as une femme charmante, un bel enfant. Pendant que vous étiez malades tous deux à Valençay, je vous ai vus vous embrasser. Vous vous aimez, mes chers enfants, vous êtes l’un à l’autre ; la société, au lieu de vous en faire un crime, met là votre honneur et votre vertu.