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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

Rien ! Qu’est-ce que cela veut dire ? Votre lettre s’est-elle perdue à la poste comme beaucoup d’autres ? Au moins si Papadopoli avait reçu la lettre d’avis du banquier de Paris ! mais il n’a rien reçu ; l’argent n’est donc pas parti. Êtes-vous tombé subitement assez malade pour être hors d’état de faire cette commission ?

Depuis deux mois, vous m’avez montré une indifférence excessive, et, malgré toutes mes lettres où je vous suppliais de me donner des nouvelles de mon fils, vous m’avez laissée dans la plus mortelle inquiétude. Je pense que vous êtes devenu amoureux ; et je vous connais à cet égard : quand vous êtes dans votre état ordinaire, vous êtes le plus exact des hommes ; quand vous vous éprenez de quelqu’une, vous oubliez tout et vous partez pour le monde insaisissable. Cela est momentané, j’espère. L’amour passe, et l’amitié se retrouve toujours, après avoir dormi plus ou moins longtemps. À Nohant, vous aviez cette fièvre d’oubli, et j’ai été bien souvent effrayée de votre silence et désespérée de n’entendre pas parler de mon fils, pendant des mois entiers.

Mais tout cela n’explique pas que vous me laissiez dans une misère absolue en pays étranger. Je vis, depuis deux mois, des cinq cents francs que vous m’aviez envoyés. Courez donc, je vous en supplie, chez le banquier, et faites-moi expédier l’argent que vous avez, pour moi, entre les mains.

Vous avez dû toucher trois mois chez Salmon (mars, avril, mai) ; ce qui fait neuf cents francs ; plus cinq