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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND


CV

À MADAME ***


Paris, juillet 1833.


Madame,

Vous m’embarrassez avec vos questions. Je tiens singulièrement à votre estime ; pourtant je ne puis me décider à mentir pour la conserver. J’ai beaucoup d’égoïsme et de nonchalance, vous me forcez à vous l’avouer. Je ne sais ce que les influences étrangères font à mon indifférence en matière de saint-simonisme ; je crois qu’elles n’y entrent pour rien. Je crois même n’avoir jamais songé à soulever une question pour ou contre la société dans Indiana ou dans Valentine. Pardonnez-le-moi, ou anathématisez-moi. Je suis forcée de le dire : la société est la moindre des choses que je hais et méprise. L’homme livré à son instinct ne me paraît pas moins laid, ridicule et sale que l’homme dressé à marcher sur les pieds de derrière. Que puis-je faire à cela ? Et puis, outre cette misanthropie qui va toujours croissant à mesure que je vieillis, je suis excessivement femme pour l’ignorance, l’inconséquence des idées, le défaut absolu de logique. Vous l’avez fort bien dit, je manque de précision et de suite ; ce n’est pas de la supériorité