Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 1.djvu/251

Cette page a été validée par deux contributeurs.
248
CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

perdue ; il faut échouer sur le sable et rester là.

Tu comprends, au fond de cette belle poésie, l’état maussade de mon cerveau. Suis-je plus à plaindre qu’auparavant ? Peut-être ; le calme qui vient de l’impuissance est une plate chose.

Pour toi, c’est différent. La raison, la force, la volonté t’ont placé où tu es. Aussi tu as en toi-même de sérieuses jouissances, de nobles consolations.

Je t’enverrai une longue lettre avant peu de temps ; c’est-à-dire un livre que j’ai fait[1] depuis que nous nous sommes quittés. C’est une éternelle causerie entre nous deux. Nous en sommes les plus graves personnages. Quant aux autres, tu les expliqueras à ta fantaisie. Tu iras, au moyen de ce livre, jusqu’au fond de mon âme et jusqu’au fond de la tienne. Aussi je ne compte pas ces lignes pour une lettre. Tu es avec moi et dans ma pensée à toute heure. Tu verras bien, en me lisant, que je ne mens pas.

Adieu, ami ; écris-moi, parle-moi de toi beaucoup, de ta famille, des soins austères de ta grande, belle et triste vie. Je te verrai dans un ou deux mois. Adieu ; crois que, pour la vie, je suis à toi.

Ton ami

GEORGE SAND.
  1. Lélia