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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

sais à quels excès je me porterais, dans de certains moments d’indignation, que toute âme bien née doit ressentir à la vue des platitudes et des atrocités qui se commettent ici tous les jours.

C’est réellement une guerre civile que les ministres allument et alimentent à leur profit. Infamie ! Les couleurs nationales sont proscrites. Il suffit de les porter pour être dépecé avec un odieux sang-froid, par des gens armés, lâches, qui ne rougissent point d’égorger des enfants sans défense et en petit nombre.

Cette belle institution de la garde nationale est devenue un levain de discorde et de sang. La police a recours à des moyens dignes des plus beaux temps de Carrier (de Nantes). Il semble que Philippe veuille trancher du Napoléon. Or c’est un rôle qu’un Bourbon ne saura jamais remplir. Ses efforts retarderont sa chute ; mais elle n’en sera que plus tragique, et vraiment alors le peuple commettra tous les excès sans être coupable.

Moi, je hais tous les hommes, rois et peuples. Il y a des instants où j’aurais du bonheur à leur nuire. Je n’ai de repos qu’alors que je les oublie !

Vous êtes bon, vous ! C’est différent. Les amis, oh ! les amis ! que c’est un trésor rare et difficile à garder ! Si l’on ne tient pas sa main toujours étroitement fermée, ils s’échappent comme de l’eau au travers des doigts.

J’ai le cœur cruellement froissé ; mais je sais qu’il y aurait de l’ingratitude à pleurer longtemps ceux