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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

que le bienfait de cette amitié eût été réciproque.

Les fous tels que moi ont cela de bon, qu’ils ne sont pas chiches de leur cœur une fois qu’ils l’ont donné. Désabusée sur tout le reste, je ne crois plus qu’à ceux qui me sont restés fidèles, ou qui m’ont comprise, avec mes défauts, mon esprit antisocial et mon mépris pour tout ce que la plupart des hommes respectent. Je me sens assez de générosité pour recommencer avec ceux-là une existence nouvelle, une vie d’affection, d’espoir et de confiance, que ne viendra pas refroidir la mémoire de tant de déceptions anciennes. Oh ! j’oublierai tout de bon cœur avec vous autres : et les amis qui trahissent, et ceux qui s’ennuient des maux qu’on leur confie, et ceux qui craignent de se compromettre en y cherchant remède, et les tièdes, et les perfides, et les maladroits qui vous crottent en voulant vous essuyer. Je croirai en vous, comme j’ai cru jadis en eux, et ne vous ferai pas responsables de leurs torts, en me livrant avec réserve à vos promesses. J’y crois et j’y compte.

C’est sur les ruines du passé, du préjugé et des préventions que nous nous sommes vus, tels que nous sommes, je crois, tels que la nature nous a faits.

C’est en nous confiant nos mutuelles infirmités que nous avons pris intérêt les uns aux autres. Sans le besoin de recevoir des consolations, sans celui d’en donner, nous serions peut-être tous restés isolés dans cette société vaine et sotte qui ne pourra jamais nous pardonner de vouloir être indépendants de ses lois