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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

qu’on puisse me soupçonner encore de vouloir le dominer.

Il me faut peu de chose : la même pension, la même aisance qu’à vous. Avec mille écus par an, je me trouve assez riche, moyennant que ma plume me fait déjà un petit revenu. Du reste, il est bien juste que cette grande liberté dont jouit mon mari soit réciproque ; sans cela, il me deviendrait odieux et méprisable ; c’est ce qu’il ne veut point être. Je suis donc entièrement indépendante ; je me couche quand il se lève, je vais à la Châtre ou à Rome, je rentre à minuit ou à six heures ; tout cela, c’est mon affaire. Ceux qui ne le trouveraient pas bon et vous tiendraient des propos sur mon compte, jugez-les avec votre raison et avec votre cœur de mère ; l’un et l’autre doivent être pour moi.

J’irai à Paris cet été. Tant que vous me témoignerez que je vous suis agréable et chère, vous me verrez heureuse et reconnaissante. Si je trouve autour de vous des critiques amères, des soupçons offensants (vous comprenez que ce n’est pas de vous que je les crains), je laisserai la place au plus puissant, et, sans vengeance, sans colère, je jouirai de ma conscience et de ma liberté. Vous avez trop d’esprit pour ne pas reconnaître bientôt que je ne mérite pas toute cette dureté.

Adieu, chère petite maman ; mes enfants se portent bien ; ma fille est belle et mauvaise, Maurice est maigre et bon. Je suis contente de son caractère et de