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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

je serai censée vivre de mon côté. Je compte passer une partie de l’année, six mois au moins, à Nohant, près de mes enfants, voire près de mon mari, que cette leçon rendra plus circonspect. Il m’a traitée jusqu’ici comme si je lui étais odieuse. Du moment que j’en suis assurée, je m’en vais. Aujourd’hui, il me pleure, tant pis pour lui ! je lui prouve que je ne veux pas être supportée comme un fardeau, mais recherchée et appelée comme une compagne libre, qui ne demeurera près de lui que lorsqu’il en sera digne.

Ne me trouvez pas impertinente. Rappelez-vous comme j’ai été humiliée ! cela a duré huit ans ! En vérité, vous me le disiez souvent, les faibles sont les dupes de la société. Je crois que ce sont vos réflexions qui m’ont donné un commencement de courage et de fermeté. Je ne me suis radoucie qu’aujourd’hui. J’ai dit que je consentirais à revenir si ces conditions étaient acceptées, et elles le seront.

Mais elles dépendent encore de quelqu’un, ne le devinez-vous pas ? C’est de vous, mon ami, et j’avoue que je n’ose pas vous prier, tant je crains de ne pas réussir. Cependant voyez quelle est ma position : si vous êtes à Nohant, je puis respirer et dormir tranquille ; mon enfant sera en de bonnes mains, son éducation marchera, sa santé sera surveillée, son caractère ne sera gâté ni par l’abandon ni par la rigueur outrée. J’aurai par vous de ses nouvelles tous les jours, de ces détails qu’une mère aime tant à lire. Si je laisse mon fils livré à son père, il sera gâté aujourd’hui, battu