Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 1.djvu/128

Cette page a été validée par deux contributeurs.
125
CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

bienfaits de la Révolution ? N’est-ce pas sous l’abominable préfecture d’un favori des Villèle et des Peyronnet, que les chiens ont été proscrits comme, du temps d’Hérode, le furent d’innocents martyrs enveloppés dans la ruine d’un seul ?

N’est-ce pas en faveur des prérogatives de la noblesse et de l’aristocratie que l’entrée des Tuileries fut interdite aux chiens libres, accordée seulement comme un privilège à cette classe dégradée des bichons et des carlins, que les douairières du noble faubourg traînent en laisse comme des esclaves au collier doré ? Oui, j’en conviens, il est une race de chiens dévouée de tout temps à la cour et avilie dans les antichambres : ce sont les carlins, dont le nom offre assez de similitude avec celui de carlistes, pour qu’on ne s’y méprenne point. Mais nous, descendants des libres montagnards des Pyrénées, race pastorale et agreste, nous qui, au milieu des neiges et des rocs inaccessibles, gardons contre la dent sanglante des loups et des ours, contre la serre cruelle des aigles et des vautours, les jeunes agneaux et les blanches brebis de la romantique vallée d’Andore !… Ah ! ce souvenir de ma patrie et de mes jeunes ans m’arrache des larmes involontaires ! Je crois voir encore mon respectable père, le vaillant et redoutable Pigon, avec son triple collier de pointes de fer, où la dépouille sanglante des loups avait laissé de glorieuses empreintes ! Je le vois se promener majestueusement au milieu du troupeau, tandis que les brebis se rangeaient en