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davantage, et si on appréciait encore le beau coloris et l’aimable fantaisie de Watteau, on ne s’éprenait pas moins des vases étrusques et des médailles grecques. On ne revenait pas précisément au goût du temps des Valois, que nous appelons aujourd’hui l’époque de la Renaissance ; on tentait une renaissance nouvelle, moins originale, mais charmante encore. On faisait de ces meubles que nous appelons à présent style Louis XVI, et qu’alors on appelait meubles à l’antique. Ils étaient fort beaux sans être bien fidèles, mais ils avaient un grand air, et les femmes elles-mêmes commençaient à baisser leurs monumentales coiffures et à faire bouffer négligemment autour du front leurs cheveux encore poudrés. Les hommes bouclaient leurs ailes de pigeon, liaient d’un simple ruban leurs longs cheveux naguère renfermés dans une bourse ; quelques-uns même les relevaient en tresse avec un peigne d’écaille. Flochardet, dans son atelier, était coiffé ainsi et faisait des portraits dont l’ajustement était beaucoup moins compliqué que ceux qui lui avaient valu tant de gloire.

On ne s’étonna donc pas trop de voir sa fille, à laquelle on commençait à faire attention, s’habiller plus simplement encore que la mode ne l’y autorisait, et lui-même ne se demanda pas trop comment cette vision du passé, ce goût pour ce qui ne faisait que poindre, avait pu germer en elle, dans sa tendance et dans son talent avec tant de parti pris et de précocité. Seulement, Flochardet devenait triste et se débutait de son propre savoir-faire. Ce réveil de