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Flochardet regarda sa fille qui s’était tournée vers la fenêtre pour cacher son émotion, et regardant aussi le docteur d’une manière qui équivalait à un point d’interrogation, il comprit et reporta ses yeux sur le dessin avec une surprise extrême, cherchant peut-être à y critiquer quelque chose, mais ne trouvant rien à reprendre, car il était dans une de ces dispositions d’esprit où l’on n’est plus si sûr de soi-même et où l’on se sent forcé d’admettre que dans les choses les plus sérieuses on a pu se tromper.

Diane n’osait pas se retourner, elle craignait de rêver, elle se penchait sur la fenêtre pour cacher son trouble, sans s’occuper du soleil qui frappait vivement sur sa tête et qui lui enfonçait, comme des aiguilles rouges dans les yeux, ses rayons de rubis. Dans cet éblouissement, elle vit une grande figure blanche, d’une merveilleuse beauté, dont la robe verdâtre brillait comme une poussière d’émeraude. C’était la muse de ses rêves, c’était sa bonne fée, la dame au voile ; mais elle n’avait plus ce voile sur la figure, il flottait autour d’elle comme un nimbe d’or, et son beau visage, qui était celui du camée vu en songe, était exactement celui que Diane avait dessiné celui que Flochardet contemplait sur le papier avec une admiration mêlée d’un certain effroi.

Diane étendit volontairement les bras vers cette figure rayonnante qui lui souriait et qui lui dit en se dissipant : Tu me reverras !

Diane, oppressée et ravie, tomba sur une chaise dans l’embrasure de la fenêtre en étouffant un cri de joie. Flochardet et le docteur s’élancèrent vers elle