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— Faites tout ce qu’il vous plaira, reprit Flochardet d’un ton glacial.

Elle sortit et Diane fondit en larmes.

— Qu’as-tu donc ? lui dit son père en essayant de sourire, qu’est-ce que cela te fait que je me querelle un peu de temps en temps avec maman Laure ? Elle n’est pas ta mère et tu ne l’aimes pas follement ?

— Tu es malheureux, répondit Diane en sanglottant, mon père est malheureux et je ne le savais pas !

— Non, dit-il ton reprenant son ton de légèreté habituel. On n’est pas malheureux parce qu’on a des contrariétés. J’en ai d’assez vives, je l’avoue, mais j’en sortirai. Je travaillerai davantage, voilà tout. Je croyais pouvoir arriver au repos, j’avais gagné une jolie petite fortune, environ deux cent mille francs. En province, c’est une douce aisance ; mais il faut bien te le dire, car tu l’apprendrais un jour ou l’autre, nous avons trop mené grand train ; j’ai eu l’imprudence de faire bâtir, les devis ont été terriblement dépassés, bref, il faut revendre et à perte, car les créanciers sont pressés. Tu ne t’étonneras donc pas d’entendre dire que je suis ruiné. Ne t’en tourmente pas trop, on exagère toujours. Je vendrai ce que j’ai, et mes dettes seront payées, mon honneur sera sauf, tu n’auras pas à rougir de ton père, sois tranquille ! Je réparerai tout, d’ailleurs. Je suis encore jeune et fort, je me ferai payer un peu plus cher, il faudra bien que la clientèle y consente. Avec le temps, j’espère bien encore amasser de quoi te doter honnêtement si tu n’es pas trop