Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il faisait. Tout à coup il jeta son pinceau avec humeur en disant : ça ne va pas aujourd’hui, je gâterais ma toile, et pour un peu je la crèverais. Viens faire un tour de promenade avec moi !

Comme ils se préparaient à sortir, madame Laure entra, aussi pimpante qu’à l’ordinaire, mais la figure altérée aussi :

— Comment, dit-elle à son mari, vous sortez, et vous devez pourtant livrer ce portrait ce soir.

— Et quand je ne le livrerais que demain ? répondit Flochardet sèchement : suis-je l’esclave de mes clients ?

— Non, mais… Il faut que vous touchiez ce soir le prix de cette peinture, car demain matin…

— Ah ! oui, votre tailleuse, votre marchand d’étoffes. Ils sont à bout de patience, je le sais, et si on ne les satisfait pas, ce sera un nouveau scandale.

Diane, étonnée et comme effrayée, ouvrait de grands yeux qui frappèrent madame Laure ; Ma chère enfant, lui dit-elle, vous dérangez trop souvent votre père, vous l’empêchez de travailler, et aujourd’hui surtout, il faut qu’il travaille. Laissez-le tranquille.

— Vous me renvoyez de chez nous ? s’écria Diane stupéfaite et consternée.

— Non jamais ! dit M. Flochardet avec force en la faisant asseoir près de lui. Reste ! jamais tu ne me déranges, toi !

— Alors, c’est moi qui suis importune, répondit madame Laure, je comprends et je sais ce qui me reste à faire.